samedi 11 septembre 2010

Le Dilemme du Prisonnier



Le Dilemme du Prisonnier (Prisoner's Dilemma) est un des jeux les plus célèbres en matière de théories des jeux. Il démontre en quoi deux joueurs ont tout intérêt à ne pas coopérer, même s'il est dans leur intérêt à chacun de le faire. Les applications sont nombreuses, tant en terme de changement climatique que de politiques de défense ou de fonctionnement des marchés financiers.

Le principe du jeu est le suivant: deux suspects sont arrêtés par la police, qui n'a pas assez de preuves pour déterminer lequel des deux est le coupable. Afin de trancher, ils séparent les prisonniers et leur proposent le même deal: Si l'un des prisonnier dénonce l'autre suspect (coopération), et que l'autre reste silencieux, le suspect ayant coopérer repart libre alors que l'autre écope de 10 ans de prison. Si les deux coopèrent, ils purgent tous les deux une peine de 5 ans. Si les deux restent silencieux, ils seront condamnés à 6 mois de prison chacun pour délit mineur. Que doivent faire les prisonniers?

Le raisonnement que chaque prisonnier (en supposant que ces derniers agissent comme des êtres rationnels) est simple:

Si l'autre me dénonce:
                     - Si je le dénonce, j'écoperai de 5 ans
                     - Si je me tais, j'écoperai de 10 ans

Si l'autre se tait
                    - Si je le dénonce, je ressors libre
                    - Si je me tais, j'écoperai de 6 mois

Conclusion: Mieux vaut dénoncer l'autre! C'est tout du moins le choix le plus rationnels: en supposant que les deux prisonniers raisonnent ainsi, tous deux purgeront 5 ans de prison! Mais regardons-y à deux fois: si les deux se taisent, ils n'auraient fait que 6 mois de prison. Et c'est bien là que le problème se pose: si chacun suit son intérêt personnel, la solution n'est pas optimale!

Les applications d'un tel jeu à la vie réelle sont nombreuses:

En matière d'une course à l'armement entre deux pays par exemple: les deux nations peuvent dans un cas augmenter leur dépenses militaires, ou au dans l'autre les réduire. D'un point de vue individuel, les deux États ont tout intérêt à choisir une stratégie d'expansion, indépendamment du choix de l'adversaire. Ainsi, le comportement rationnel des deux acteurs aboutit à une solution irrationnelle. En d'autres termes, la théorie des jeux nous fournit ici des arguments pour l'adoption des politiques de dissuasion.

Un tel jeu peut également s'appliquer aux marchés financiers: si l'un des vendeurs baisse ses prix, il remportera le marché et augmentera son bénéfice. Mais si son concurrent fait de même, alors les deux risquent de perdre de l'argent.

De même si l'on considère l'environnement : une réduction de l'effet de serre due à l'adoption de politiques écologiques. La diminution du réchauffement climatique bénéficierait à l'ensemble de la Planète, mais à l'échelle individuelle, chaque pays hésite à réduire ses émissions de CO2. En effet, continuer à produire de façon massive sans se soucier de l'environnement permet d'accroître la croissance économique, et le bénéfice semble supérieur à l'adoption d'une politique de sauvegarde de l'environnement. Ne serions-nous pas dans une impasse pour cette chère Planète Terre?


A méditer ...

jeudi 9 septembre 2010

Et si vous étiez moins intelligent qu'un singe ?


Visitez le site du MRC Cognition and Brain Sciences Unit de Cambridge pour savoir si vous batteriez un singe dans ce test de mémoire spatiale: http://www.cambridgebrainsciences.com/browse/memory/test/monkey-span-ladder

Une récente étude menée par Inoue et Matsuzawa (2007) a montré que les chimpanzés étaient bien meilleurs que les humains lors de ce test consistant  mémoriser les postions de nombre aléatoirement distribués sur un écran. Plus impressionnant encore, cette capacité reste intacte même lorsque les stimuli sont présentés à des vitesses si rapides qu'elles ne permettent pas les mouvements des yeux! De tels résultats suggèrent que les caractéristiques de la mémoire de travail visuel des jeunes singes seraient proches de celles d'un appareil photo! Ces étonnante propriété serait un avantage on négligeable pour repérer et mémoriser la position des fruits dans un arbre. Cependant, en vieillissant, ces étonnantes capacités s'estompent, les humains parvenant même à battre de vieux chimpanzés! 

La supériorité des jeunes singes lors de cette tâche serait due à la spécialisation du cerveau humain, notamment du fait du développement du langage, qui se serait fait au dépends d'autres fonctions telles que cette épatante mémoire photographique!

Références:
Inoue, S., & Matsuzawa, T (2007). Working memory of numerals in chimpanzees. Current Biology 17 (23)

L'effet Stroop


L'effet Stroop, désigne l'interférence observée entre une tâche principale et un processus cognitif secondaire. Il fut découvert en 1935 par John Ridley Stroop lors de l'expérience suivante: les sujets devaient identifier la couleur d'un mot (tâche principale) sans lire le mot lui-même. Ainsi, le temps de réaction - en d'autres termes le temps nécessaire à l'identification de la couleur avec laquelle le mot est écrit - est beaucoup plus long lorsque le mot est incongruent (le mot "bleu" écrit en "rouge" : bleu) que lorsque le mot est congruent (le mot "rouge" écrit en rouge : rouge) ou neutre (le mot "lion" écrit en rouge: lion). Le pourcentage d'erreurs (dire bleu lorsque le mot "bleu" est écrit en rouge) est également plus élevé en présence des mots incongruents. Il existe donc un effet d'interférence sémantique, ou effet Stroop, provoqué par la lecture automatique du mot.

Une expérience proche du protocole de Stroop fut menée en 1997 par Besner, Stolz et Boutilier. Ces derniers utilisèrent des mots congruents et incongruents mais introduisirent deux conditions. Dans la première condition, toutes les lettres étaient de la même couleur (condition unicolore). Dans la seconde, seule une lettre était colorée, les autres étant grises (condition bicolore). Les volontaires devaient identifier le plus rapidement possible la couleur du mot tout en ignorant sa lecture, de même que dans l'expérience menée par Stroop en 1935. L'effet d'interférence sémantique était alors plus faible lorsqu'une seule lettre était colorée que dans la condition unicolore. Ces résultats posèrent un nouveau problème: si les mots sont lus de façon automatique, l'effet Stroop ne devrait-il pas être le même dans les conditions unicolores et bicolores? Les auteurs suggérèrent que l'atténuation de l'effet Stroop observée dans la condition bicolore était due à un blocage temporaire du traitement sémantique du mot présenté.

Une troisième expérience, menée en 2007, tente d'expliquer ce phénomène. Augustinova et Ferrand placent systématiquement la lettre changeant de couleur au début du mot. Dans une première expérience, la première lettre est écrite d'une couleur et le reste est écrit en gris (Rouge). Dans une seconde expérience, la première lettre est écrite d'une couleur et le reste du mot est écrit dans une autre couleur (Vert). Dans les deux expériences, les auteurs demandent aux volontaires de se concentrer sur la première lettre du mot et d'indiquer sa couleur. Ils obtiennent un effet d'interférence de type Stroop dans les deux cas. En d'autres termes, les sujets mettent plus longtemps à identifier la couleur de la première lettre si celle-ci est différente de la couleur désignée par le mot. Les sujets sont donc incapables de bloquer complètement le traitement sémantique du mot. Augustinova et Ferrand suggèrent alors que la diminution de l'effet Stroop (observée par Besner et al) n'est pas due à un blocage de l'activation sémantique, mais à un contrôle de cette information.

Remarque: Une grande partie de l'article semble tirée de la page Wikipédia. Mais point de copier-coller chers lecteurs, c'est moi qui avais à l'époque écrit la quasi totalité de l'article! 

Les neurosciences: nouvel outil de prévention en santé publique?


Si les neurosciences sont aujourd'hui pointées du doigt pour leur potentielles dérives en matière d'éthique, de "manipulation intellectuelle" ou "d'utilisation dans les tribunaux", ne peuvent-elles pas devenir de nouveaux outils pour la prévention en santé publique

En matière de tabac, d'obésité, de nutrition ou même d'écologie, elles pourraient en effet aider à mettre en place des campagnes efficaces ou à adopter des comportements plus responsables. En matière de choix, les individus n'adoptent pas toujours un attitude rationnelle. Au contraire, les émotions jouent un rôle important dans les prises de décisions. Si les zones du cerveau mises en jeu pour ces deux composantes semblent différentes, elles n'en restent as moins connectées. A tel point qu'on ne parle non plus 'opposition Rationalité/Emotion mais d'"émorationalité". Vos choix impliquent donc le traitement des deux types d'informations, toutefois vous pouvez tout à fait prendre une décision non rationnelle car dominé par vos émotions (esprit de compétition, inatention, altruisme ...) Pour un exemple, voir l'article sur le jeu de l'Ultimatum.

Comment peut-on se servir des connaissance neuroscientifiques afin d'induire des changements de comportements des individus tout en les laissant à priori maître de leur choix? Afin de mieux illustrer mes dires, voici quelques exemples potentiels d'utilisation des neurosciences dans le cadre de campagnes de prévention:

* En matière de comportements alimentaires: l'introduction de chips de couleur (rouges par exemple) dans le plat fournit au mangeur des indications sur le quantités ingérées. Similaires à des "marqueurs", elles permettent de marquer des arrêts et par là de ralentir le repas et de  limiter le nombre de calories absorbées.

En matière de prévention contre le tabac: les lois anti-tabac - type loi Evin dans les années 1990 - ont toutes échouer à faire fondre la consommation de cigarettes, l'industrie du tabac ayant toujours trouvé des stratégies de contournement. Par exemple, une récente étude a démontré que les images de sponsoring largement diffusées par les marques de cigarettes sont plus efficaces qu'une affiche classique: associer une couleur à un objet sans que la marque ne soit explicitement affichée suffirait à déclencher dans le cerveau d'un fumeur les aires normalement stimulées en cas de récompense nicotinique. Un  tel résultat soutiendrait donc l'intérêt d'interdire les campagnes de publicités basées sur du sponsoring.
De même, les campagnes anti-tabac traditionnelles présentant des messages du type "fumer tue" peinent à toucher le grand public. Mais au delà de cette inefficacité liée à des messages qui n'atteignent que peu le consommateur, c'est du côté du cerveau que l'on peut chercher à comprendre les défauts de ce type de campagne. Une étude surprenante menée à l'Université de Warwick a par exemple démontré que les paquets présentant un message anti-tabac activaient plus fortement les aires cérébrales impliquées dans l'envie de fumer que les paquets qui en étaient dépourvus!!!!!! De même, les images de fin de consommation de tabac (mégot, cendres) et de début (cigarette, allumette) n'auraient pas les même effets sur les fumeurs. De tels résultats pourraient donc fournir des armes pour le design de campagnes anti-tabac plus efficaces.

Mais, même au service d'une noble cause, une telle stratégie ne s'apparenterait-elle pas à du neuromarketing voire à une forme de manipulation?

Le livre du jour ...


Buyology: Truth and Lies About Why We Buy ... Livre écrit par le guru du marketing Martin Lindstrom. Voici un petite vidéo présentant le livre et son contenu:



Pour plus de renseignements (attention toutefois à rester réaliste face à une campagne de publicité et de marketing probablement hautement efficace!), voici le site officiel du sur le livre et de son auteur:
http://www.martinlindstrom.com/index.php/cmsid__buyology_about

Anecdote: M. Lindstrom a en 2009 été classé par le célèbre magazine Times parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde!
 

Etes-vous réellement attentif ?


Visionnez tout simplement la vidéo ... 

A ne lire qu'une fois la vidéo visionnée: ceci est un test d'attention nommé Blindness test en Anglais. Il démontre que si vous n'êtes pas attentif à ce qui se passe sous vos yeux, vous pouvez ne même pas remarquer ce qui se déroule sous vos yeux. Là encore le terme anglais désine ce phénomène par les termes inattentionnal blindness, soit une cécité due à un manque d'attention. Mais la question est, vous êtes vous laissé avoir?

Pour un exemple en encore plus amusant et surprenant, visionnez la vidéo ci-dessous issue d'une campagne anglaise pour l'attention sur la route!

Le jeu du concours de beauté ...


Et si je vous lançais un défi: choisissez les 3 plus belles filles de la photo. Si l'une d'entre elle fait partie des 3 plus belles filles choisies par l'ensemble des participants, vous gagnez un cadeau! Qui choisiriez-vous?

Il y a alors plusieurs types de joueurs: le joueur de base, qui choisit les 3 filles qu'il préfère, et le joueur plus stratégique, qui lui choisit les filles ayant le plus de chances de faire partie des "favorites du concours". Pour cela, il ne sélectionne non pas les candidates sur les bases de ses goûts personnels mais celles qu'il pense que les autres auront le plus choisi (afin d'avoir plus de chance de gagner!). Logique, non?

Cette métaphore du concours de Beauté (beauty contest game en anglais), fut utilisée par l'économiste Keynes dans son ouvrage Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie afin d'illustrer le fonctionnement des marchés financiers. En effet, en bourse, vous ne fixez pas le prix d'un produit d'après sa valeur absolue, mais bien sur le prix que vous pensez que les autres seront prêts à payer pour obtenir cet objet!
 
Le jeu du concours de beauté peut également être abordé sous sa forme mathématique (p-beauty contest game en anglais), où les joueurs doivent sélectionner non plus des visages mais des nombres entre 0 et 100. La solution logique renvoie alors à un équilibre de Nash, c'est-à-dire à une situation d'équilibre entre plusieurs joueurs connaissant leur stratégie réciproque et ne pouvant en changer sous peine d'affaiblir leurs positions respectives. 
Moulin (1986) établit le p-beauty contest game suivant: les joueurs doivent sélectionner un nombre compris dans l'intervalle [0;100]. Pour gagner, il est nécessaire d'avoir choisi le nombre le plus proche de p fois le nombre moyen choisi par l'ensemble des joueurs. Deux cas se présentent: p<1 (généralement 2/3, ou 1/2) ou p=1, tel que l'avait définit Keynes. En d'autres termes, si le nombre moyen choisi est 56 et p=2/3, le gagnant sera le plus proche de 56x2/3, soit 37. Dans le cas où p<1, l'équilibre de Nash est 0, dans le cas où p=1, de nombreux équilibres sont alors possibles.

Rosemarie Nagel (1995) conduit expérimentalement le p-beauty contest game et décrit plusieurs niveaux de raisonnement logique. En effet, il existe des joueurs de bas niveau, avec un faible raisonnement stratégique, ou de haut niveau, avec un fort raisonnement stratégique. Le joueur de plus bas niveau, ou niveau L0, choisira ainsi un nombre purement au hasard entre 1 et 100. Les joueurs de niveau immédiatement supérieur (L1, niveau 1) pensent que leurs adversaires sont de niveau 0 et adaptent leur stratégie selon cette prédiction. En supposant que les autres joueurs sont des L0 alors le nombre moyen choisi devrait être 50, un L1 choisira donc 33 (50x2/3). De même, les joueurs de niveau 2 (L2) pensent que leurs adversaires sont de niveau 1. Ils choisiront donc 22 (33x2/3). Et ainsi de suite pour les joueurs de niveau 3, 4, 5 ... Dans l'hypothèse d'une infinité de niveaux de raisonnement, l'équilibre de Nash est établi lorsque tous les joueurs choisissent 0. De façon empirique, le niveau de complexité du jeu excède rarement le niveau 3, si bien que les joueurs sont de catégorie L0, L1, L2 ou L3, conformément aux prédictions de Keynes.

Comme énoncé ci-dessus, l'équilibre de Nash obtenu dans un p-beauty contest game dans l'hypothèse où p<1 devrait être 0. En effet, en choisissant tous 0, l'ensemble des joueurs sont à égalité et remportent le prix. Cependant, les nombres choisis lors d'expériences menées sur des sujets sont plus de l'ordre de la dizaine ou de la vingtaine. Pourquoi? Le jeu du concours de beauté, dans sa formulation mathématique tout du moins, requiert la mise en place d'un raisonnement par itération. Un niveau L3 doit, pour arriver à son choix, supposer que ses adversaires sont de niveau L2, qui pensent eux-mêmes que leur adversaires sont de niveau L1, pensant à leur tour que leurs concurrents sont de niveau L0. Un L3 doit donc passer par un raisonnement en série hautement difficile avant d'énoncer son choix final. Les capacités cognitives humaines étant limitées, les joueurs dépassent rarement le niveau L3, et c'est pourquoi l'on observe une différence entre l'équilibre de Nash théorique (0) et les nombres effectivement choisis.

Liens: 
Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie John Maynard Keynes, traduit par Jean de Largentaye, éditions Payot, chapitre 12 n°V
Unraveling in Guessing Games: An Experimental Study"

Remarque: cet article semble en grande partie extrait de wikipédia, mais ne vous y fiez pas, c'est moi qui à l'époque avais écrit l'article!

mercredi 8 septembre 2010


Regardez bien la danseuse sur la vidéo. La voyez-vous tourner dans le sens horaire (sens des aiguilles d'une montre) ou au contraire dans le sens anti-horaire (inverse des aiguilles d'une montre)? Ou êtes vous capable, en vous concentrant, de la voir tourne dans les deux sens?

Si vous voyez la danseuse tourner dans le sens horaire, cela signifie que vous utilisez plus votre hémisphère gauche, traditionnellement lié à la logique, aux mathématiques,  un esprit pratique et à un sens de l'observation reposant sur les détails.
Si au contraire vous la voyez tourner dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, vous utilisez plus votre hémisphère droit lié à un sens de l'observation plus global, à l'imagination, la philosophie, la fantaisie, la religion, les prises de risques ou la perception spatiale.

Cette image, nommée the spinnin dancer en anglais et créée par Nobuyuki Kayahara et correspond à un célèbre test de personnalité. L'illusion d'optique est due à un manque de marqueurs visuels de "profondeur" sur l'image de la danseuse: la jambe que vous fixez (voir lien ci dessous) peut tout à fait être interprétée comme la jambe de devant ou celle de derrière. Cette double interprétation du mouvement la classe ainsi dans les illusions d'optiques dites bistables.Selon la perception de l'observateur, la direction du mouvement peut changer un nombre infini de fois, bien que certains aient du mal à passer d'un sens à un autre.

Si vous ne parvenez pas à voir les deux sens dans lesquels il est possible de voir tourner la danseuse,suivez ce lien: http://www.youtube.com/watch?v=i-yhtXAzYwc&feature=related

Dansez Monsieur ... que je vous dise si vous me plaisez!

 
Etes-vous bon ou mauvais danseur? Savez-vous séduire une fille par la fougue de votre swing, le rythme de votre Rock'n roll ou encore la classe de votre valse? 

En boite de nuit et sans avoir aucune notion de danse, une femme distingue instinctivement un bon d'un mauvais danseur. Pour tenter de comprendre le phénomène, l'équipe du Dr Neave, spécialiste en évolution et psychologie à l'Université de Northumbria (UK) a récemment étudié les caractéristiques du mouvement permettant au bon danseur de séduire les femmes. Les scientifiques ont demandé à plusieurs jeunes hommes - non danseurs professionnels - de danser en laboratoire sur des rythmes simples. Leurs mouvements ont été simultanément filmés puis convertis par informatique en avatar que les femmes pouvaient noter de 1 à 7.

Instinctivement, on pourrait penser que les mouvements les plus importants sont ceux des jambes, des bras ou encore des mains. Pourtant les femmes prêtent beaucoup plus attention aux régions centrales du corps telles que le torse, le cou ou la tête. De même, la variabilité et non pas seulement la vitesse des mouvementstortillez-vous messieurs, semblent cruciale : gesticulez!
 
Le Dr Neave est allé plus loin en cherchant à établir un parallèle entre les mouvements de séduction d'un jeune danseur en boîte de nuit et ceux des animaux à l'état sauvage! Dans le cas des animaux, les mouvements effectués lors de la cour pour séduire la femelle sont des indices de bonne santé, de capacité reproductive  et de statut hormonal. Le mâle doit en effet être doté d'une très bonne condition physique pour effectuer la parade nuptiale. Il en serait de même pour nous les humains: les hommes capables d'effectuer ces mouvements variés du corps témoigneraient de leur jeunesse et de leurs bonne capacité physique. Des tests préliminaires menés sur les échantillons de sang tendent également à montrer que le meilleurs danseurs étaient également en meilleure santé.


Alors Messieurs, prêts à prendre des cours de danse?

Liens:
http://www.bbc.co.uk/news/science-environment-11223473

Etes-vous plûtot Pepsi ou Coca? Et si je pouvais le prédire mieux que vous ?

Le Neuromarketing, dont le terme apparut dans les années 2000 et commence à se populariser, consiste à mettre les techniques d'imagerie cérébrale au service du marketing et de la communication. L'étude des mécanismes cérébraux  - émotion, attention, zones de fixation, mémoire - mis en jeu lors d'un achat ou face à une publicité permet en effet de mieux comprendre le comportement du consommateur lors de l'achat, et de créer des outils de communication plus efficaces. Les résultats de telles études restent encore largement confidentiels, car souvent coûteux et associés à de la manipulation dans l'imaginaire public.

Mais revenons sur l'une des expériences les plus célèbres de l'histoire de cette discipline. 

Dans les années 70-80, Pepsi lançait une grande campagne de publicité nommée "The Pepsi Challenge". Le concept était simple et efficace: demander à des individus de goûter en Blind test du Pepsi et du Coca, puis de choisir "la boisson qu'ils préfèrent". Les résultats parlent d'eux-mêmes: Pepsi sort vainqueur de l'affrontement (Notons tout de même que Pepsi sponsorisaient les spots publicitaires). Mais si les consommateurs préfèrent effectivement Pepsi, pourquoi Coca Cola est-il encore le grand leader du marché? Pourquoi Pepsi ne parvient-t-il pas à s'imposer 30 ans après cette campagne de publicité?

C'est la question que se pose en 2003 le neuroscientifique Read Montague. Pour y répondre, il soumet 67 personnes à un Blind test, leur faisant goûter à l'aveugle du Pepsi ou du Cola. Simultanément, il analyse et compare les activités cérébrales associées au test (via IRM fonctionnelle). La moitié des sujets choisissent les Pepsi, les régions du cortex préfrontal ventro-médian - associées au sentiment de récompense et de l'estime personnelle - étant plus activées lors de l'absorption du Pepsi que du Coca. 
Dans une seconde partie, Montague demanda aux sujets de goûter les mêmes boissons - tout en sachant qu'il s'agissait de Pepsi ou de Cola. Les trois quarts affirment alors préférer le Coca! Curieusement, les images des activités cérébrales se modifient aussi: le cortex préfrontal latéral (impliqué dans les processus cognitifs complexes) et l'hippocampe (impliqué dans la mémoire) sont désormais activés, et ce majoritairement lorsque les sujets boivent du Coca. En d'autres termes, vous n'achetez pas un goût, mais bien l'image, les émotions et le souvenir associés à une marque. 

Références
Samuel M. McClure, Jian Li, Damon Tomlin, Kim S. Cypert, Latané M. Montague, and P. Read Montague: "Neural Correlates of Behavioral Preference for Culturally Familiar Drinks"
Published in Neuron, Volume 44, Number 2, October 14, 2004, pages 379–387.

mardi 7 septembre 2010

Je pense que tu penses que je pense que tu penses ...

 
Théorie de l'Esprit : la BD de Sally et Anne
Sally et Anne sont deux petites filles se trouvant dans une pièce. Sally cache une bille dans une boîte, et sort de la pièce. Anne prend la bille située dans la boî”te, et la cache dans un panier. Sally rentre à nouveau dans la pièce. 

La question est : Sally sait-elle que la bille n'est plus dans la boîte mais bien dans le panier?

Trivial me direz-vous? Et bien figurez-vous que les enfants de moins de 3 ans  - ainsi que les autistes ou schizophrènes - sont incapables de répondre à cette question et vous assurerons que Sally sait que la bille est passée de la boîte au panier. Comment est-ce possible? Le fait de concevoir que que Sally soit partie et qu'elle ignore l'emplacement de la balle suppose que vous vous soyez mis à la place de Sally, que vous ayez imaginé la situation dans laquelle elle se trouve (en effet, vous êtes vous-même conscient que la balle se trouve dans le panier puisque vous avez lu la BD). L'ensemble des processus cognitifs vous permettant d'attribuer aux autres des états d'esprit, d'anticiper et de comprendre ses croyances ou intentions sont regroupés sous le nom de Théorie de l'Esprit (ou Theory of Mind, ToM en anglais). Une telle théorie suppose que vous êtes capables d'inférer les états mentaux d''autrui: ses croyances, ses désirs, ses émotions. Elle est à la bas du fameux : je pense que tu crois que je pense que tu sais que j'ignore que tu sais ... vous suivez toujours ????

L'Homme serait ainsi le seul primate à posséder cette capacité à concevoir les émotions d'un autre individu. Néanmoins, nos limites cognitives nous empêche d'aller au delà d'un certain nombre de récurrence : après 3 à 5 "je pense que tu penses", il est difficile de s'y retrouver!

La théorie de l'Esprit est donc la conscience que les autres êtres humains possèdent une conscience qui puisse être différente de la nôtre . Elle est ainsi à la base de la cognition sociale et des comportements tels que la compassion, la construction d'un savoir partagé ou la coopération. Les autistes et schizophrènes, démontrant de cruels déficits dans leur comportement social, présentent par exemple des défauts de leur théorie de l'esprit.

Les récentes études de neuroimagerie semblent révéler que la théorie de l'Esprit ferait intervenir le cortex préfrontal ( notamment médian et orbito frontal) ainsi que des structures telles que les amygdales ,la jonction temporo-pariétale ou le pôle temporal.

Le Jeu du Casino et votre Amygdale

L'amygdale est une partie du cerveau en forme d'amande, appartenant au système limbique et située en avant de l'hippocampe, dans la partie frontale du lobe temporal. Elle est impliquée dans les réactions liées à la peur et l'anxiété, ainsi que la reconnaissance et l'apprentissage associatif liés à ce type d'émotions.

Avez-vous déjà entendu parler du jeu du casino, ou « Gambling task » en Anglais?
 
Le concept est simple et permit à Bechara et al. de démontrer le rôle de l'amygdale dans les prises de décisions financières ou de la vie courante.


Les sujets commencent avec 2000 dollars fictifs et ont pour objectif de faire fructifier cette somme. Pour cela, 4 tas de cartes (A, B, C et D) - comprenant chacun 40 cartes - leur sont présentés. Ils doivent au total piocher 100 cartes, dans les tas et l'ordre qu'ils désirent. A chaque tas est associé un système de gains: les tas A et B sont dits de « hauts profits », chaque carte piochée rapportant 100 dollars, les C et D sont eux définis par un « faible profit », avec seulement 50 dollars empochés pour chaque carte. 
Cependant , à chaque tas est également attribuée un coût, allant de 0 à 1250 dollars selon les cartes. Les tas A et B, de haut profit (100$), sont également associés à des pertes importantes. Les tas C et D sont certes de plus faible profit (50$) engendrent de plus petites pertes. Les participants ne connaissent ni le profit des tas, ni les pertes associées au départ.
Le principe du jeu est le suivant: les sujets choisissent une carte. Une fois la carte tirée, ils en apprennent le profit (i.e. 50 ou 100 dollars) et la perte associée. A chaque tour, le gain et la perte sont respectivement ôtés et ajoutés à la somme que possède le sujet (soit 2000 dollars au premier tour). Si les sujets apprennent relativement vite les bénéfices fixes - 50 ou 100 $ - associés à chaque tas, ils doivent surtout en apprendre le bénéfice net (c'est-à-dire prendre en compte le système de perte). A long terme, il est plus avantageux de jouer sans cesse les tas C et D afin de maximiser son profit, le bénéfice net étant plus élevé.

Dans l'étude réalisée par Bechara et al., les sujets sains jouent majoritairement les tas C et D (ou tas avantageux) alors que les sujets atteints de lésions de l'amygdale (photo) continuent à jouer les tas A et B, bien que le bénéfice net soit fortement désavantageux.

En parallèle, les auteurs ont analysé la réaction somatique des sujets soit la variation de leur « conduction cutanée » (ou conduction électrique de la peau). A mesure que le jeu avançait, les sujets sains montraient une « réaction somatique » plus forte lors du choix d'une carte dans une tas à haut risque (A ou B) qu'un tas à as risque (C ou D), et ce de façon anticipée (avant de choisir la carte). Les sujets atteints de lésion de l'amygdale étaient eux incapables de générer ces réponses anticipées à mesure qu'ils avançaient dans la tâche. 

De telles observations menèrent Behara et al. À proposer l'hypothèse suivante: l'amygdale, serait responsable d'un couplage entre l'activation de "marqueurs somatiques" et la nature du choix (tas à fort ou faible risque), selon les récompenses ou punitions précédemment associées à ce choix. Cette région cérébrale permettrait donc d'associer une stratégie à un état somatique, selon les résultats qu'a auparavant produit cette stratégie.

Au quotidien, une telle région permettrait donc de réactiver des marqueurs somatiques (stress par exemple) liés à des situations précédemment rencontrées, et donc de faire des choix plus judicieux lorsque vous vous retrouvez dans la même situation.

Références
Bechara, A., Damásio, A. R., Damásio, H., &amp; Anderson, S. W. (1994). Insensitivity to future consequences following damage to human prefrontal cortex, Cognition, 50: 7-15.
Bechara A, Damasio H, Tranel D, Damasio AR (1997). Deciding advantageously before knowing the advantageous strategy. Science, 275, 1293-1295.
http://www.neuroeconomics.net/pdf/materials/447.pdf

Neuromarketing


Les Neurosciences peuvent-elles doper les ventes de votre magazine favori ?


C'est le défi qu'a tenté de relevé l'hebdomadaire scientifique New Scientist. Le Neuromarketing - c'est-à-dire l'application des connaissances et techniques neuroscientifiques au marketing - investit depuis quelques années le design des campagnes publicitaire ou du packaging. NeuroFocus, dont le siège est situé à Berkeley en Californie, est ainsi l'une des entreprises pionnière en matière d'utilisation d'imagerie cérébrale dans le design de stratégie marketing. Si des groupes divers tels que Microsoft, Google ou CBS font régulièrement appel à la compagnie, aucun magazine scientifique n'avait encore saisi l'opportunité de "démontrer" à ses clients le pouvoir des neurosciences sur le tirage d'une revue.

3 couvertures potentielles pour le numéro du mois d'Août de New Scientist ont ainsi été présentées à 19 sujets. Des techniques d'Eye Tracking (suivi des mouvements des yeux) et d' Electro-EncéphalographieNeuroFocus en a dérivé l'intention d'achat, l'efficacité des couvertures testées, leur nouveauté, leur rétention au sein de la mémoire ... Afin de doper le tirage du magazine, les auteurs ont sélectionné la couverture (photo) ayant enregistré un  niveau d'engagement émotionnel maximal - synonymes de forte intention d'achat et rétention mnémonique. (analyse de l'activité électrique du cerveau) ont permis l'analyse des zones fixées par les lecteurs et des réactions suscitées par la couverture telles que l'attention ou l'engagement émotionnel. De ces mesures,

La stratégie semble avoir porté ses fruits puisque numéro "neurodesigné" aurait enregistré 12% de ventes supplémentaires comparé au même numéro de l'année précédente, et des scores bien supérieures à la moyenne de l'année.

Les résultats d'un tel coup de théâtre ne peuvent être assimilés à une démonstration scientifique: les résultats enregistrés auraient peut être été les mêmes si les couvertures avaient été présentées aux sujets avec la question "laquelle préférez-vous"? De même, l'une des deux couvertures non sélectionnées auraient pu enregistré les mêmes résultats. Toutefois, ils apportent un indice de plus dans l'efficacité des neurosciences à nous influer notre comportement de consommateur. Et Graham Lawton, rédacteur en chef adjoint de New Scientist : << Il sera intéressant de voir dans quelle mesure le recours aux neurosciences peut permettre d'accroître les ventes en kiosque. >>.


Liens :
La société NeuroFocus: http://neurofocus.com/index.htm
NewScientist, Numéro d'Août 2010:
http://www.newscientist.com/article/mg20727721.300-mindreading-marketers-how-neuromarketing-stormed-the-world.html  
http://www.newscientist.com/article/dn19412-neuromarketing-the-results-are-in.html