mercredi 7 septembre 2011

Petite dissection de scandales financiers ...




Scandale Kerviel, crise de subprimes, scandale Leeson ... Un homme, une décision ... des pertes colossales, une crise sans précédent. Mais comment diable est-ce possible ? 

Les approches économiques et financières classiques peinent à apporter des réponses à ces évènements, notamment dans une finance gérée par des acteurs  irrationnels et en interdépendance (c'est-à-dire supposant des comportements de groupe, les actions de l'un des acteurs ayant une influence sur le comportement des autres) La neuroéconomie se pose alors comme un nouvel outil en terme de compréhension des dysfonctionnements à l'origine des crises économiques. Cette discipline - dont le nom apparaît pour la première fois dans les années 2000 sous la plume de Paul Glimcher - étudie les bases cérébrales des prises de décisions économiques et financières. Elle suppose un rôle phare des émotions  dans la prise de décision, à l'inverse des théories classiques prenant pour hypothèse une totale rationnalité des acteurs du marché. 

Une étude récemment publiée dans ce domaine établit ainsi une relation entre instabilité boursière et état émotionnel des traders, se traduisant par exemple par une prise de risque accrue. Si l'on étudie la chronologie de l''affaire Kerviel - qui avait entrainé la perte recorde de 5 milliards d'euros à la Société Générale -, force est de constater qu'elle intervient en 2008, période de forte instabilité boursière. Mais revenons à l'aspect purement cérébral et biologique de la chose. Comment peut-il y avoir une relation entre état des marchés et émotions des traders

La littérature foisonne d'articles à ce sujet. L'une des études les plus célèbres reporte ainsi une corrélation entre taux de testostérone et de cortisol (hormone de stress) et volatilité des marchés. Une seconde montre des réactions émotionnelles supérieures chez les traders expérimentés, comparés aux jeunes arrivants, face à des évènements aléatoires. Une troisième explicite le lien entre circuit de la récompense au niveau cérébral et investissements. Ainsi, le sentiment de récompense est accru lors d'investissements à haut risque par rapport au même investissement dans une situation à faible risque. Enfin, les émotions négatives ressenties lors d'une perte sont supérieures aux sensations de plaisir ressenties lors du gain de la même somme (La perte de 100 euros entrainera une sensation négative. La même intensité en terme d'émotion positive sera ressentie si vous gagnez 200 euros). La biologie peut donc, via des circuits hormonaux et émotionnels, conduire à des prises de risques de risques inconsidérés. 

Revenons-en au scandale Kerviel. La neuroéconomie apporte un regard nouveau sur l'emballement de la machine. La perte initiale d'un premier milliard s'est soldée par une série de décisions hasardeuses, prises sous le coup de l'émotion, d'une volonté irrationnelle de réparer certaines erreurs ... aboutissant à une perte finale de 5 milliards.

La compréhension de certains des mécanismes biologiques à l'origine des dysfonctionnements financiers apporte donc un éclairage nouveau sur la gestion du risque au sein des marchés. A l'échelle individuelle, la prise de conscience du rôle des émotions - individuelles et collectives - sur la décision et l'investissement pourrait permettre de réguler le phénomène.

C'est tout du moins ce que se plaît à croire la neuroéconomie ... avec comme chef de file le best-seller de Jason Zweig : Your Money and Your Brain: How the New Science of Neuroeconomics Can Help Make You Rich.

samedi 11 septembre 2010

Le Dilemme du Prisonnier



Le Dilemme du Prisonnier (Prisoner's Dilemma) est un des jeux les plus célèbres en matière de théories des jeux. Il démontre en quoi deux joueurs ont tout intérêt à ne pas coopérer, même s'il est dans leur intérêt à chacun de le faire. Les applications sont nombreuses, tant en terme de changement climatique que de politiques de défense ou de fonctionnement des marchés financiers.

Le principe du jeu est le suivant: deux suspects sont arrêtés par la police, qui n'a pas assez de preuves pour déterminer lequel des deux est le coupable. Afin de trancher, ils séparent les prisonniers et leur proposent le même deal: Si l'un des prisonnier dénonce l'autre suspect (coopération), et que l'autre reste silencieux, le suspect ayant coopérer repart libre alors que l'autre écope de 10 ans de prison. Si les deux coopèrent, ils purgent tous les deux une peine de 5 ans. Si les deux restent silencieux, ils seront condamnés à 6 mois de prison chacun pour délit mineur. Que doivent faire les prisonniers?

Le raisonnement que chaque prisonnier (en supposant que ces derniers agissent comme des êtres rationnels) est simple:

Si l'autre me dénonce:
                     - Si je le dénonce, j'écoperai de 5 ans
                     - Si je me tais, j'écoperai de 10 ans

Si l'autre se tait
                    - Si je le dénonce, je ressors libre
                    - Si je me tais, j'écoperai de 6 mois

Conclusion: Mieux vaut dénoncer l'autre! C'est tout du moins le choix le plus rationnels: en supposant que les deux prisonniers raisonnent ainsi, tous deux purgeront 5 ans de prison! Mais regardons-y à deux fois: si les deux se taisent, ils n'auraient fait que 6 mois de prison. Et c'est bien là que le problème se pose: si chacun suit son intérêt personnel, la solution n'est pas optimale!

Les applications d'un tel jeu à la vie réelle sont nombreuses:

En matière d'une course à l'armement entre deux pays par exemple: les deux nations peuvent dans un cas augmenter leur dépenses militaires, ou au dans l'autre les réduire. D'un point de vue individuel, les deux États ont tout intérêt à choisir une stratégie d'expansion, indépendamment du choix de l'adversaire. Ainsi, le comportement rationnel des deux acteurs aboutit à une solution irrationnelle. En d'autres termes, la théorie des jeux nous fournit ici des arguments pour l'adoption des politiques de dissuasion.

Un tel jeu peut également s'appliquer aux marchés financiers: si l'un des vendeurs baisse ses prix, il remportera le marché et augmentera son bénéfice. Mais si son concurrent fait de même, alors les deux risquent de perdre de l'argent.

De même si l'on considère l'environnement : une réduction de l'effet de serre due à l'adoption de politiques écologiques. La diminution du réchauffement climatique bénéficierait à l'ensemble de la Planète, mais à l'échelle individuelle, chaque pays hésite à réduire ses émissions de CO2. En effet, continuer à produire de façon massive sans se soucier de l'environnement permet d'accroître la croissance économique, et le bénéfice semble supérieur à l'adoption d'une politique de sauvegarde de l'environnement. Ne serions-nous pas dans une impasse pour cette chère Planète Terre?


A méditer ...

jeudi 9 septembre 2010

Et si vous étiez moins intelligent qu'un singe ?


Visitez le site du MRC Cognition and Brain Sciences Unit de Cambridge pour savoir si vous batteriez un singe dans ce test de mémoire spatiale: http://www.cambridgebrainsciences.com/browse/memory/test/monkey-span-ladder

Une récente étude menée par Inoue et Matsuzawa (2007) a montré que les chimpanzés étaient bien meilleurs que les humains lors de ce test consistant  mémoriser les postions de nombre aléatoirement distribués sur un écran. Plus impressionnant encore, cette capacité reste intacte même lorsque les stimuli sont présentés à des vitesses si rapides qu'elles ne permettent pas les mouvements des yeux! De tels résultats suggèrent que les caractéristiques de la mémoire de travail visuel des jeunes singes seraient proches de celles d'un appareil photo! Ces étonnante propriété serait un avantage on négligeable pour repérer et mémoriser la position des fruits dans un arbre. Cependant, en vieillissant, ces étonnantes capacités s'estompent, les humains parvenant même à battre de vieux chimpanzés! 

La supériorité des jeunes singes lors de cette tâche serait due à la spécialisation du cerveau humain, notamment du fait du développement du langage, qui se serait fait au dépends d'autres fonctions telles que cette épatante mémoire photographique!

Références:
Inoue, S., & Matsuzawa, T (2007). Working memory of numerals in chimpanzees. Current Biology 17 (23)

L'effet Stroop


L'effet Stroop, désigne l'interférence observée entre une tâche principale et un processus cognitif secondaire. Il fut découvert en 1935 par John Ridley Stroop lors de l'expérience suivante: les sujets devaient identifier la couleur d'un mot (tâche principale) sans lire le mot lui-même. Ainsi, le temps de réaction - en d'autres termes le temps nécessaire à l'identification de la couleur avec laquelle le mot est écrit - est beaucoup plus long lorsque le mot est incongruent (le mot "bleu" écrit en "rouge" : bleu) que lorsque le mot est congruent (le mot "rouge" écrit en rouge : rouge) ou neutre (le mot "lion" écrit en rouge: lion). Le pourcentage d'erreurs (dire bleu lorsque le mot "bleu" est écrit en rouge) est également plus élevé en présence des mots incongruents. Il existe donc un effet d'interférence sémantique, ou effet Stroop, provoqué par la lecture automatique du mot.

Une expérience proche du protocole de Stroop fut menée en 1997 par Besner, Stolz et Boutilier. Ces derniers utilisèrent des mots congruents et incongruents mais introduisirent deux conditions. Dans la première condition, toutes les lettres étaient de la même couleur (condition unicolore). Dans la seconde, seule une lettre était colorée, les autres étant grises (condition bicolore). Les volontaires devaient identifier le plus rapidement possible la couleur du mot tout en ignorant sa lecture, de même que dans l'expérience menée par Stroop en 1935. L'effet d'interférence sémantique était alors plus faible lorsqu'une seule lettre était colorée que dans la condition unicolore. Ces résultats posèrent un nouveau problème: si les mots sont lus de façon automatique, l'effet Stroop ne devrait-il pas être le même dans les conditions unicolores et bicolores? Les auteurs suggérèrent que l'atténuation de l'effet Stroop observée dans la condition bicolore était due à un blocage temporaire du traitement sémantique du mot présenté.

Une troisième expérience, menée en 2007, tente d'expliquer ce phénomène. Augustinova et Ferrand placent systématiquement la lettre changeant de couleur au début du mot. Dans une première expérience, la première lettre est écrite d'une couleur et le reste est écrit en gris (Rouge). Dans une seconde expérience, la première lettre est écrite d'une couleur et le reste du mot est écrit dans une autre couleur (Vert). Dans les deux expériences, les auteurs demandent aux volontaires de se concentrer sur la première lettre du mot et d'indiquer sa couleur. Ils obtiennent un effet d'interférence de type Stroop dans les deux cas. En d'autres termes, les sujets mettent plus longtemps à identifier la couleur de la première lettre si celle-ci est différente de la couleur désignée par le mot. Les sujets sont donc incapables de bloquer complètement le traitement sémantique du mot. Augustinova et Ferrand suggèrent alors que la diminution de l'effet Stroop (observée par Besner et al) n'est pas due à un blocage de l'activation sémantique, mais à un contrôle de cette information.

Remarque: Une grande partie de l'article semble tirée de la page Wikipédia. Mais point de copier-coller chers lecteurs, c'est moi qui avais à l'époque écrit la quasi totalité de l'article! 

Les neurosciences: nouvel outil de prévention en santé publique?


Si les neurosciences sont aujourd'hui pointées du doigt pour leur potentielles dérives en matière d'éthique, de "manipulation intellectuelle" ou "d'utilisation dans les tribunaux", ne peuvent-elles pas devenir de nouveaux outils pour la prévention en santé publique

En matière de tabac, d'obésité, de nutrition ou même d'écologie, elles pourraient en effet aider à mettre en place des campagnes efficaces ou à adopter des comportements plus responsables. En matière de choix, les individus n'adoptent pas toujours un attitude rationnelle. Au contraire, les émotions jouent un rôle important dans les prises de décisions. Si les zones du cerveau mises en jeu pour ces deux composantes semblent différentes, elles n'en restent as moins connectées. A tel point qu'on ne parle non plus 'opposition Rationalité/Emotion mais d'"émorationalité". Vos choix impliquent donc le traitement des deux types d'informations, toutefois vous pouvez tout à fait prendre une décision non rationnelle car dominé par vos émotions (esprit de compétition, inatention, altruisme ...) Pour un exemple, voir l'article sur le jeu de l'Ultimatum.

Comment peut-on se servir des connaissance neuroscientifiques afin d'induire des changements de comportements des individus tout en les laissant à priori maître de leur choix? Afin de mieux illustrer mes dires, voici quelques exemples potentiels d'utilisation des neurosciences dans le cadre de campagnes de prévention:

* En matière de comportements alimentaires: l'introduction de chips de couleur (rouges par exemple) dans le plat fournit au mangeur des indications sur le quantités ingérées. Similaires à des "marqueurs", elles permettent de marquer des arrêts et par là de ralentir le repas et de  limiter le nombre de calories absorbées.

En matière de prévention contre le tabac: les lois anti-tabac - type loi Evin dans les années 1990 - ont toutes échouer à faire fondre la consommation de cigarettes, l'industrie du tabac ayant toujours trouvé des stratégies de contournement. Par exemple, une récente étude a démontré que les images de sponsoring largement diffusées par les marques de cigarettes sont plus efficaces qu'une affiche classique: associer une couleur à un objet sans que la marque ne soit explicitement affichée suffirait à déclencher dans le cerveau d'un fumeur les aires normalement stimulées en cas de récompense nicotinique. Un  tel résultat soutiendrait donc l'intérêt d'interdire les campagnes de publicités basées sur du sponsoring.
De même, les campagnes anti-tabac traditionnelles présentant des messages du type "fumer tue" peinent à toucher le grand public. Mais au delà de cette inefficacité liée à des messages qui n'atteignent que peu le consommateur, c'est du côté du cerveau que l'on peut chercher à comprendre les défauts de ce type de campagne. Une étude surprenante menée à l'Université de Warwick a par exemple démontré que les paquets présentant un message anti-tabac activaient plus fortement les aires cérébrales impliquées dans l'envie de fumer que les paquets qui en étaient dépourvus!!!!!! De même, les images de fin de consommation de tabac (mégot, cendres) et de début (cigarette, allumette) n'auraient pas les même effets sur les fumeurs. De tels résultats pourraient donc fournir des armes pour le design de campagnes anti-tabac plus efficaces.

Mais, même au service d'une noble cause, une telle stratégie ne s'apparenterait-elle pas à du neuromarketing voire à une forme de manipulation?

Le livre du jour ...


Buyology: Truth and Lies About Why We Buy ... Livre écrit par le guru du marketing Martin Lindstrom. Voici un petite vidéo présentant le livre et son contenu:



Pour plus de renseignements (attention toutefois à rester réaliste face à une campagne de publicité et de marketing probablement hautement efficace!), voici le site officiel du sur le livre et de son auteur:
http://www.martinlindstrom.com/index.php/cmsid__buyology_about

Anecdote: M. Lindstrom a en 2009 été classé par le célèbre magazine Times parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde!
 

Etes-vous réellement attentif ?


Visionnez tout simplement la vidéo ... 

A ne lire qu'une fois la vidéo visionnée: ceci est un test d'attention nommé Blindness test en Anglais. Il démontre que si vous n'êtes pas attentif à ce qui se passe sous vos yeux, vous pouvez ne même pas remarquer ce qui se déroule sous vos yeux. Là encore le terme anglais désine ce phénomène par les termes inattentionnal blindness, soit une cécité due à un manque d'attention. Mais la question est, vous êtes vous laissé avoir?

Pour un exemple en encore plus amusant et surprenant, visionnez la vidéo ci-dessous issue d'une campagne anglaise pour l'attention sur la route!